À la suite d’un retard significatif d’un vol international au départ de Douala (Cameroun), un passager a été contraint d’annuler son voyage et a obtenu le remboursement de son billet d’avion. Considérant les désagréments subis, le passager a engagé une action en responsabilité contre le transporteur aérien pour le retard subi avant l’annulation de son vol.
La Cour d’Appel du Littoral, dans son arrêt n° 107/CIV du 17 juin 2016, a condamné Air France à verser une indemnité de 4 150 Droits de Tirage Spéciaux (DTS), soit 3 412 282,14 F CFA, en plus de 178 500 F CFA pour le remboursement des frais de déplacement et de location de véhicule. Cependant, Air France a formé un pourvoi en cassation, contestant cette décision sur trois motifs principaux.
Sur la forme, Air France a avancé que l’arrêt de la Cour d’Appel manquait de fondements suffisants, conformément à l’article 35.1 c de la Loi 2006/016 du 29 décembre 2008, régissant l’organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême. La compagnie a affirmé que la Cour d’Appel n’avait pas suffisamment démontré que le passager avait subi un réel préjudice, surtout qu’il avait annulé son vol et obtenu un remboursement. Selon Air France, ce manque de démonstration rendait la décision non conforme à l’article 7 de la loi n° 2006/015 sur l’organisation judiciaire au Cameroun, qui exige des décisions judiciaires bien motivées.
Par ailleurs, Air France a soutenu que la Cour d’Appel avait dépassé les limites de responsabilité fixées par l’article 22 de la Convention de Montréal en octroyant une indemnité ainsi qu’un remboursement des frais de déplacement et de location de véhicule. Selon la compagnie, la limite de 4 150 DTS couvre tous les dommages subis par le passager et aucune somme supplémentaire ne devrait être accordée à quelque titre que ce soit.
De plus, Air France a contesté la conversion des Droits de Tirage Spéciaux (DTS) en francs CFA faite par la Cour d’Appel, affirmant que la méthode de conversion n’était pas clairement justifiée. Cela, selon la compagnie, empêchait la vérification de la légalité de cette conversion telle que disposée à l’article 23 de la Convention de Montréal.
Ainsi, la Cour Suprême était saisie de la question du régime de responsabilité du transporteur aérien en cas de retard de vol international, notamment si la Cour d’Appel avait correctement interprété et appliqué les dispositions de l’article 22 de la Convention de Montréal, ainsi que les exigences de motivation des décisions judiciaires prévues par la loi camerounaise.
Sur la base de l’article 53 (2) de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006, fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême, celle-ci a rejeté le pourvoi d’Air France. La Cour Suprême a jugé que les arguments d’Air France n’étaient pas suffisamment clairs et détaillés. Les premier et troisième arguments n’identifiaient pas clairement les textes de loi spécifiques qui auraient été violés. Le deuxième argument, basé sur l’article 22 de la Convention de Montréal, reposait sur une interprétation erronée de la manière dont les limites de responsabilité devaient être appliquées. La Cour Suprême a estimé qu’Air France avait mal interprété l’article 22 de la Convention de Montréal. Cet article limite la responsabilité des transporteurs aériens en cas de retard, mais Air France a mal compris les conditions et l’application de cette limitation. La Cour d’Appel a correctement interprété l’article en considérant que la limitation ne s’appliquait pas de manière absolue et que des indemnisations supplémentaires pouvaient être justifiées en fonction des circonstances spécifiques du cas.
L’arrêt de la Cour Suprême du Cameroun constitue une illustration significative de l’application des conventions internationales relatives au transport aérien par les juridictions africaines. Il souligne la rigueur avec laquelle ces juridictions évaluent les préjudices allégués et les indemnisations appropriées, contribuant ainsi à l’amélioration de la justice aérienne en Afrique.
Référence Arrêt : Cour Suprême du Cameroun, Chambre Judiciaire, Section Civile, Dossier n° 078/CIV/017, Pourvoi n° 313/REP du 12 octobre 2016, Arrêt n° 74/Civ du 04 juillet 2019, Affaire : Compagnie Air France c/ Y. François