L’ajout d’une escale imprévue n’est pas une annulation de vol 

Une passagère a acheté un billet d’avion auprès de la société Air France pour un vol Mulhouse – Conakry via Paris, prévu le 19 avril 2014. L’itinéraire a été modifié par l’ajout d’une escale à Dakar, ce qui a retardé l’arrivée à Conakry à 20h31 au lieu de 15h55. 

Elle a de ce fait demandé une indemnisation au titre de l’article 7 du règlement (CE) n° 261/2004 pour annulation de vol.

Ce qui lui a été accordé. Air France a formé un pourvoi en cassation contre ce jugement, soutenant que la modification d’itinéraire avec une escale imprévue ne constituait pas une annulation de vol, car le vol avait atteint sa destination finale. 

Ainsi, la condamnation pour annulation de vol violait les articles 2, sous l), 3, §2, sous a), et 7 du règlement (CE) n° 261/2004.

Cet arrêt précise l’interprétation de l’annulation de vol et confirme que l’ajout d’une escale imprévue n’est pas une annulation de vol. 

Référence : Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 octobre 2019, n° 18-20.490.

Responsabilité du Transporteur Aérien en Cas de Retard de Vol International au Cameroun

À la suite d’un retard significatif d’un vol international au départ de Douala (Cameroun), un passager a été contraint d’annuler son voyage et a obtenu le remboursement de son billet d’avion. Considérant les désagréments subis, le passager a engagé une action en responsabilité contre le transporteur aérien pour le retard subi avant l’annulation de son vol.

La Cour d’Appel du Littoral, dans son arrêt n° 107/CIV du 17 juin 2016, a condamné Air France à verser une indemnité de 4 150 Droits de Tirage Spéciaux (DTS), soit 3 412 282,14 F CFA, en plus de 178 500 F CFA pour le remboursement des frais de déplacement et de location de véhicule. Cependant, Air France a formé un pourvoi en cassation, contestant cette décision sur trois motifs principaux.

Sur la forme, Air France a avancé que l’arrêt de la Cour d’Appel manquait de fondements suffisants, conformément à l’article 35.1 c de la Loi 2006/016 du 29 décembre 2008, régissant l’organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême. La compagnie a affirmé que la Cour d’Appel n’avait pas suffisamment démontré que le passager avait subi un réel préjudice, surtout qu’il avait annulé son vol et obtenu un remboursement. Selon Air France, ce manque de démonstration rendait la décision non conforme à l’article 7 de la loi n° 2006/015 sur l’organisation judiciaire au Cameroun, qui exige des décisions judiciaires bien motivées.

Par ailleurs, Air France a soutenu que la Cour d’Appel avait dépassé les limites de responsabilité fixées par l’article 22 de la Convention de Montréal en octroyant une indemnité ainsi qu’un remboursement des frais de déplacement et de location de véhicule. Selon la compagnie, la limite de 4 150 DTS couvre tous les dommages subis par le passager et aucune somme supplémentaire ne devrait être accordée à quelque titre que ce soit.

De plus, Air France a contesté la conversion des Droits de Tirage Spéciaux (DTS) en francs CFA faite par la Cour d’Appel, affirmant que la méthode de conversion n’était pas clairement justifiée. Cela, selon la compagnie, empêchait la vérification de la légalité de cette conversion telle que disposée à l’article 23 de la Convention de Montréal.

Ainsi, la Cour Suprême était saisie de la question du régime de responsabilité du transporteur aérien en cas de retard de vol international, notamment si la Cour d’Appel avait correctement interprété et appliqué les dispositions de l’article 22 de la Convention de Montréal, ainsi que les exigences de motivation des décisions judiciaires prévues par la loi camerounaise.

Sur la base de l’article 53 (2) de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006, fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême, celle-ci a rejeté le pourvoi d’Air France. La Cour Suprême a jugé que les arguments d’Air France n’étaient pas suffisamment clairs et détaillés. Les premier et troisième arguments n’identifiaient pas clairement les textes de loi spécifiques qui auraient été violés. Le deuxième argument, basé sur l’article 22 de la Convention de Montréal, reposait sur une interprétation erronée de la manière dont les limites de responsabilité devaient être appliquées. La Cour Suprême a estimé qu’Air France avait mal interprété l’article 22 de la Convention de Montréal. Cet article limite la responsabilité des transporteurs aériens en cas de retard, mais Air France a mal compris les conditions et l’application de cette limitation. La Cour d’Appel a correctement interprété l’article en considérant que la limitation ne s’appliquait pas de manière absolue et que des indemnisations supplémentaires pouvaient être justifiées en fonction des circonstances spécifiques du cas.

 L’arrêt de la Cour Suprême du Cameroun constitue une illustration significative de l’application des conventions internationales relatives au transport aérien par les juridictions africaines. Il souligne la rigueur avec laquelle ces juridictions évaluent les préjudices allégués et les indemnisations appropriées, contribuant ainsi à l’amélioration de la justice aérienne en Afrique. 

Référence Arrêt : Cour Suprême du Cameroun, Chambre Judiciaire, Section Civile, Dossier n° 078/CIV/017, Pourvoi n° 313/REP du 12 octobre 2016, Arrêt n° 74/Civ du 04 juillet 2019, Affaire : Compagnie Air France c/ Y. François

Indemnisation des passagers aériens pour retard de vol dû à une urgence médicale qualifiée de circonstance extraordinaire

Une compagnie aérienne peut-elle s’exonérer de l’obligation d’indemnisation en invoquant une circonstance extraordinaire, si elle n’établit pas avoir pris toutes les mesures raisonnables et proportionnées pour éviter le retard ?

Un passager a acheté un billet d’avion pour un vol reliant Hong-Kong à Paris Charles de Gaulle, prévu pour le 6 août 2014 à 00h50. Trois heures et trente minutes après le décollage, une urgence médicale impliquant une passagère enceinte a contraint l’avion à retourner à Hong-Kong. Le vol a été reprogrammé et a finalement décollé à 22h30 le même jour, entraînant un retard d’environ 22 heures à l’arrivée à Paris par rapport à l’heure prévue.

Le passager a poursuivi Air France pour obtenir une indemnisation en vertu du règlement (CE) n° 261/2004. Répondant favorablement à la demande du passager, le tribunal d’instance d’Aulnay-sous-Bois a constaté que l’urgence médicale constituait une circonstance extraordinaire, mais a jugé que la compagnie aérienne n’avait pas démontré avoir pris toutes les mesures raisonnables pour réacheminer les passagers dans un délai plus court et éviter ainsi le retard. Air France a formé un pourvoi contre ce jugement, arguant que le transporteur aérien est exonéré de son obligation d’indemnisation des passagers en vertu de l’article 7 du règlement (CE) n° 261/2004, lorsque le retard du vol est dû à des circonstances extraordinaires telles qu’une urgence médicale et la nécessité de respecter la réglementation sur le temps de repos de l’équipage.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la compagnie aérienne. En se fondant sur les dispositions de l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 261/2004, la Cour a statué qu’un transporteur aérien n’est pas tenu de verser l’indemnisation prévue à l’article 7 s’il prouve que l’annulation ou le retard du vol est dû à des circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises. Selon la Cour, et conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, le transporteur aérien doit démontrer que, même en mettant en œuvre tous les moyens en personnel, matériel et financiers dont il disposait, il n’aurait pas pu éviter le retard sans consentir à des sacrifices insupportables par rapport aux capacités de son entreprise à ce moment-là (arrêt du 4 mai 2017, Pesková et Peska, C-315/15).

Cet arrêt réaffirme les conditions strictes dans lesquelles les compagnies aériennes peuvent être exonérées de leur obligation d’indemnisation en cas de retard de vol. Il souligne l’obligation pour les transporteurs de démontrer qu’ils ont pris toutes les mesures raisonnables pour éviter de tels retards, même en présence de circonstances extraordinaires, et clarifie la portée de la notion de « circonstances extraordinaires » au sens du règlement (CE) n° 261/2004.

Référence : Cour de cassation – première chambre civile – 17 février 2021 – 19-20.960

Perte de Bagages dans le Transport Aérien International au Burkina Faso : Application des Clauses de Limitation de ResponsabilitéJurisprudence – Droits des passagers aériens

Mme A Ab a acheté un billet d’avion électronique auprès de la société Air France pour un vol de Ac à Ad via Paris à destination de B. À son arrivée, elle a constaté la perte de ses deux valises, chacune pesant 23 kg. Mme A Ab a demandé une indemnisation à Air France pour la perte de ses bagages, le remboursement de son billet d’avion, les frais d’hôtel, les frais de transport urbain et la valeur de ses effets personnels. Elle a saisi le Tribunal de Grande Instance (TGI) de B, qui, statuant en première instance, a condamné Air France à lui verser la somme totale de seize millions cinq cent huit mille sept cent vingt (16 508 720) francs CFA.

Air France a interjeté appel de ce jugement devant la Cour d’appel de Ouagadougou, contestant la décision du TGI de B. La compagnie aérienne a soutenu que le litige relevait de la matière commerciale et non civile, et que la décision devait être annulée en raison de la non-application de la Convention de Varsovie et de ses clauses limitatives de responsabilité. Air France a argumenté que le tribunal avait statué à tort en matière civile alors que toutes les parties étaient commerçantes. Toutefois, la Cour d’appel a confirmé que le jugement était bien de nature commerciale et qu’il s’agissait d’une simple erreur matérielle.

De plus, Air France a fait valoir que la perte de bagages devait être indemnisée selon les termes de la Convention de Varsovie, limitant la responsabilité à 17 Droits de Tirage Spéciaux (DTS) par kilogramme, sauf déclaration spéciale de valeur faite lors de l’enregistrement. Air France a également souligné que le billet électronique de Mme A Ab, bien que ne contenant pas explicitement les clauses limitatives de responsabilité, faisait référence à celles-ci via un fourreau détachable contenant toutes les conditions du transport aérien.

La Cour d’appel a partiellement infirmé le jugement rendu par le TGI de B. Elle a reconnu l’erreur matérielle mais a confirmé que le jugement avait bien une nature commerciale. Concernant la responsabilité limitée du transporteur, la Cour a appliqué la Convention de Varsovie, limitant l’indemnisation à 17 DTS par kilogramme, ce qui correspond à un montant total de 806 827 francs CFA pour les bagages perdus. Par ailleurs, la Cour a annulé les indemnisations supplémentaires accordées par le TGI, notamment le remboursement du billet d’avion, les frais d’hôtel, les frais de transport urbain et les dommages-intérêts, estimant qu’il y avait une double réparation pour le même préjudice.

Cet arrêt réaffirme que les clauses de limitation de responsabilité du transporteur aérien s’appliquent, même en l’absence de mention explicite sur le billet électronique, tant que ces clauses sont accessibles au passager. La décision établit également que les demandes indemnitaires pour perte de bagages doivent respecter les limitations prévues par les conventions internationales, en l’absence de déclaration spéciale de valeur par le passager.