L’employeur a qualité à agir en responsabilité contre le transporteur aérien pour les retards de vol de ses employés passagers : une décision clé de la CJUE

L’employeur de personnes transportées en tant que passagers, ayant conclu un contrat de transport international avec un transporteur aérien, a qualité pour agir contre ce dernier en réparation du dommage résultant du retard des vols effectués par ses employés en application de ce contrat. Ce droit s’étend aux frais supplémentaires exposés par l’employeur. 

Le Service des enquêtes spéciales de la République de Lituanie (Lietuvos Respublikos specialiųjų tyrimų tarnyba) a été confronté à cette situation après avoir acheté des billets d’avion via une agence de voyages pour une mission professionnelle de Vilnius à Bakou, avec des escales à Riga et Moscou. Le vol reliant Riga à Moscou ayant subi un retard, l’arrivée à Bakou s’est effectuée avec plus de quatorze heures de retard par rapport à l’horaire prévu. Ce retard a obligé le Service des enquêtes à payer des indemnités journalières et des cotisations sociales supplémentaires pour un montant total de 1 168,35 litas lituaniens (environ 338 euros). Air Baltic Corporation AS, le transporteur aérien, a refusé de dédommager le Service des enquêtes pour ces frais supplémentaires, ce qui a conduit ce dernier à saisir le tribunal pour obtenir réparation.

Le Service des enquêtes spéciales a initialement saisi le Premier Tribunal de District de Vilnius (Vilniaus miesto 1-asis apylinkės teismas) pour obtenir la condamnation d’Air Baltic Corporation AS au paiement de 1 168,35 litas lituaniens (environ 338 euros) à titre de dommages et intérêts. Le tribunal a fait droit à cette demande par un jugement rendu le 30 novembre 2012. Air Baltic a fait appel de ce jugement devant le Tribunal Régional de Vilnius (Vilniaus apygardos teismas), qui a rejeté l’appel et confirmé le jugement de première instance par un arrêt du 7 novembre 2013. Air Baltic s’est ensuite pourvue en cassation devant la Cour Suprême de Lituanie (Lietuvos Aukščiausiasis Teismas), soutenant qu’une personne morale telle que le Service des enquêtes ne pouvait pas se prévaloir de la responsabilité du transporteur aérien prévue par l’article 19 de la Convention de Montréal. La Cour Suprême de Lituanie a sursis à statuer et a posé à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) deux questions préjudicielles concernant l’interprétation des articles 19, 22 et 29 de la Convention de Montréal.

La première question portait sur la responsabilité du transporteur aérien envers les tiers, notamment l’employeur d’un passager, pour les dommages résultant d’un retard de vol. La seconde question, posée dans l’hypothèse où la réponse à la première question serait négative, concernait la possibilité pour ces tiers d’agir contre le transporteur aérien sur d’autres fondements, par exemple le droit national. La CJUE a rendu sa décision le 17 février 2016, interprétant les articles de la Convention de Montréal de manière à inclure la responsabilité du transporteur aérien envers les employeurs pour les dommages subis en raison des retards de vols de leurs employés.

En conséquence, la CJUE a répondu à la première question en affirmant que le transporteur aérien est responsable des dommages résultant des retards de vols effectués par les employés en vertu d’un contrat de transport international conclu avec l’employeur. La Cour a jugé que la Convention de Montréal s’applique non seulement aux dommages subis par les passagers, mais aussi à ceux subis par une personne en sa qualité d’employeur ayant conclu un contrat de transport international. Les employeurs peuvent donc être indemnisés pour les frais supplémentaires causés par les retards de vol des employés transportés.

Conclusion : La Convention de Montréal doit être interprétée de manière à inclure la responsabilité du transporteur aérien envers les employeurs pour les dommages subis en raison des retards de vols de leurs employés, dans les limites fixées par la convention.

Décision : CJUE, 17 février 2016, n° C-429/14, Affaire Air Baltic Corporation AS c. Lietuvos Respublikos specialiųjų tyrimų tarnyba.

Perte de Bagages dans le Transport Aérien International au Burkina Faso : Application des Clauses de Limitation de ResponsabilitéJurisprudence – Droits des passagers aériens

Mme A Ab a acheté un billet d’avion électronique auprès de la société Air France pour un vol de Ac à Ad via Paris à destination de B. À son arrivée, elle a constaté la perte de ses deux valises, chacune pesant 23 kg. Mme A Ab a demandé une indemnisation à Air France pour la perte de ses bagages, le remboursement de son billet d’avion, les frais d’hôtel, les frais de transport urbain et la valeur de ses effets personnels. Elle a saisi le Tribunal de Grande Instance (TGI) de B, qui, statuant en première instance, a condamné Air France à lui verser la somme totale de seize millions cinq cent huit mille sept cent vingt (16 508 720) francs CFA.

Air France a interjeté appel de ce jugement devant la Cour d’appel de Ouagadougou, contestant la décision du TGI de B. La compagnie aérienne a soutenu que le litige relevait de la matière commerciale et non civile, et que la décision devait être annulée en raison de la non-application de la Convention de Varsovie et de ses clauses limitatives de responsabilité. Air France a argumenté que le tribunal avait statué à tort en matière civile alors que toutes les parties étaient commerçantes. Toutefois, la Cour d’appel a confirmé que le jugement était bien de nature commerciale et qu’il s’agissait d’une simple erreur matérielle.

De plus, Air France a fait valoir que la perte de bagages devait être indemnisée selon les termes de la Convention de Varsovie, limitant la responsabilité à 17 Droits de Tirage Spéciaux (DTS) par kilogramme, sauf déclaration spéciale de valeur faite lors de l’enregistrement. Air France a également souligné que le billet électronique de Mme A Ab, bien que ne contenant pas explicitement les clauses limitatives de responsabilité, faisait référence à celles-ci via un fourreau détachable contenant toutes les conditions du transport aérien.

La Cour d’appel a partiellement infirmé le jugement rendu par le TGI de B. Elle a reconnu l’erreur matérielle mais a confirmé que le jugement avait bien une nature commerciale. Concernant la responsabilité limitée du transporteur, la Cour a appliqué la Convention de Varsovie, limitant l’indemnisation à 17 DTS par kilogramme, ce qui correspond à un montant total de 806 827 francs CFA pour les bagages perdus. Par ailleurs, la Cour a annulé les indemnisations supplémentaires accordées par le TGI, notamment le remboursement du billet d’avion, les frais d’hôtel, les frais de transport urbain et les dommages-intérêts, estimant qu’il y avait une double réparation pour le même préjudice.

Cet arrêt réaffirme que les clauses de limitation de responsabilité du transporteur aérien s’appliquent, même en l’absence de mention explicite sur le billet électronique, tant que ces clauses sont accessibles au passager. La décision établit également que les demandes indemnitaires pour perte de bagages doivent respecter les limitations prévues par les conventions internationales, en l’absence de déclaration spéciale de valeur par le passager.