Preuve de Présence à l’Enregistrement et Indemnisation des Retards de Vol : Application du Règlement (CE) n° 261/2004

Une passagère disposait d’une réservation confirmée pour un vol aller-retour de Bordeaux à Lisbonne. Lors du vol retour, l’avion a accusé un retard de 4 heures et 17 minutes à l’arrivée.

La passagère a alors demandé la condamnation du transporteur aérien au paiement de l’indemnité forfaitaire prévue à l’article 7 du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004, ainsi que des dommages-intérêts pour résistance abusive. Cependant, le tribunal d’instance d’Aulnay-sous-Bois a rejeté ses demandes au motif qu’elle n’avait pas prouvé s’être présentée à l’enregistrement pour le vol en question. Mme C. a formé un pourvoi en cassation contre ce jugement.

Selon Mme C., le refus d’indemnisation constituait une violation de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et des articles 73 et 74 du code de procédure civile. De plus, le refus d’ordonner à la compagnie aérienne de produire les éléments relatifs à l’enregistrement des passagers constituait une violation des articles 3, §2, 6 et 7 du règlement (CE) n° 261/2004, ainsi que de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Enfin, l’exigence d’une carte d’embarquement constituait une erreur dans l’application des dispositions du règlement (CE) n° 261/2004 concernant la présentation à l’enregistrement.

La Cour de cassation a cassé et annulé le jugement rendu par le tribunal d’instance d’Aulnay-sous-Bois. Elle a jugé que le tribunal avait mal appliqué l’article 3, paragraphe 2, sous a) du règlement (CE) n° 261/2004, en ne vérifiant pas si le transporteur aérien démontrait que Mme C. n’avait pas été transportée sur le vol retardé en cause. Selon une ordonnance de la Cour de justice de l’Union européenne, les passagers d’un vol retardé de trois heures ou plus ne peuvent pas se voir refuser l’indemnisation au seul motif qu’ils n’ont pas prouvé leur présence à l’enregistrement, sauf preuve contraire fournie par le transporteur aérien.

Depuis cet arrêt, la preuve d’enregistrement ne constitue plus une condition d’indemnisation.

Références : Arrêt n° 19-13.016 de la Cour de cassation, Chambre civile 1, 21 octobre 2020, publié au bulletin.

 Exclusion de l’indemnisation en cas de retard de vol pour les passagers voyageant gratuitement

Les passagers voyageant gratuitement peuvent-ils prétendre à l’indemnisation forfaitaire prévue par le règlement (CE) n° 261/2004 en cas d’annulation ou de retard de vol ? 

La Cour de cassation a répondu par la négative en rejetant le pourvoi formé par des parents contre un jugement du tribunal d’instance d’Ivry-sur-Seine.

Un couple avait réservé un vol pour eux-mêmes et leurs trois enfants mineurs pour le trajet Agadir-Paris, prévu le 4 mai 2018. À la suite de l’annulation du vol, la famille est arrivée à destination avec un retard de 22 heures et 28 minutes. Si le couple a obtenu une indemnisation de 400 euros chacun, ainsi que pour deux de leurs enfants, la compagnie aérienne a refusé de verser cette indemnité pour leur troisième enfant, en raison de son jeune âge et des conditions de voyage.

Les parents ont donc formé devant le tribunal d’instance d’Ivry-sur-Seine une demande d’indemnisation pour leur enfant mineur, laquelle a été rejetée. Le tribunal a estimé que, voyageant gratuitement sur les genoux de sa mère, l’enfant ne pouvait prétendre à l’indemnisation forfaitaire prévue par le règlement (CE) n° 261/2004, car il ne disposait ni de billet d’avion ni de carte d’embarquement.

La Cour de cassation a confirmé cette décision, statuant que, selon l’article 3, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 261/2004, les passagers voyageant gratuitement sont exclus du champ d’application du règlement. Elle a précisé que la gratuité, même prévue dans une offre accessible au public, exclut le droit à l’indemnisation.

Ainsi, contrairement à un vol international soumis à la convention de Montréal de 1999 dont l’article 1 relatif au champ d’application prévoit que la présente convention s’applique à tout transport international de personnes, bagages ou marchandises, effectué par aéronef contre rémunération et également aux transports gratuits effectués par aéronef par une entreprise de transport aérien, le transport gratuit est exclu de l’indemnisation prévue par le règlement (CE) n° 261/2004, précisant les conditions de cette exclusion et confirmant une interprétation stricte des dispositions relatives aux indemnités en cas d’annulation ou de retard de vol.

Référence : Cour de cassation – première chambre civile – 6 janvier 2021 – 19-19.940

Indemnisation des passagers aériens pour retard de vol dû à une urgence médicale qualifiée de circonstance extraordinaire

Une compagnie aérienne peut-elle s’exonérer de l’obligation d’indemnisation en invoquant une circonstance extraordinaire, si elle n’établit pas avoir pris toutes les mesures raisonnables et proportionnées pour éviter le retard ?

Un passager a acheté un billet d’avion pour un vol reliant Hong-Kong à Paris Charles de Gaulle, prévu pour le 6 août 2014 à 00h50. Trois heures et trente minutes après le décollage, une urgence médicale impliquant une passagère enceinte a contraint l’avion à retourner à Hong-Kong. Le vol a été reprogrammé et a finalement décollé à 22h30 le même jour, entraînant un retard d’environ 22 heures à l’arrivée à Paris par rapport à l’heure prévue.

Le passager a poursuivi Air France pour obtenir une indemnisation en vertu du règlement (CE) n° 261/2004. Répondant favorablement à la demande du passager, le tribunal d’instance d’Aulnay-sous-Bois a constaté que l’urgence médicale constituait une circonstance extraordinaire, mais a jugé que la compagnie aérienne n’avait pas démontré avoir pris toutes les mesures raisonnables pour réacheminer les passagers dans un délai plus court et éviter ainsi le retard. Air France a formé un pourvoi contre ce jugement, arguant que le transporteur aérien est exonéré de son obligation d’indemnisation des passagers en vertu de l’article 7 du règlement (CE) n° 261/2004, lorsque le retard du vol est dû à des circonstances extraordinaires telles qu’une urgence médicale et la nécessité de respecter la réglementation sur le temps de repos de l’équipage.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la compagnie aérienne. En se fondant sur les dispositions de l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 261/2004, la Cour a statué qu’un transporteur aérien n’est pas tenu de verser l’indemnisation prévue à l’article 7 s’il prouve que l’annulation ou le retard du vol est dû à des circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises. Selon la Cour, et conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, le transporteur aérien doit démontrer que, même en mettant en œuvre tous les moyens en personnel, matériel et financiers dont il disposait, il n’aurait pas pu éviter le retard sans consentir à des sacrifices insupportables par rapport aux capacités de son entreprise à ce moment-là (arrêt du 4 mai 2017, Pesková et Peska, C-315/15).

Cet arrêt réaffirme les conditions strictes dans lesquelles les compagnies aériennes peuvent être exonérées de leur obligation d’indemnisation en cas de retard de vol. Il souligne l’obligation pour les transporteurs de démontrer qu’ils ont pris toutes les mesures raisonnables pour éviter de tels retards, même en présence de circonstances extraordinaires, et clarifie la portée de la notion de « circonstances extraordinaires » au sens du règlement (CE) n° 261/2004.

Référence : Cour de cassation – première chambre civile – 17 février 2021 – 19-20.960